La corniche dite « beauvaisine » est formée d’une suite de petites arcatures, généralement en plein cintre, recoupées de deux contre-arcatures, le plus souvent de même forme.

La corniche beauvaisine du mur gouttereau sud de la nef (2015)
Bury : corniche beauvaisine du mur gouttereau sud de la nef (années 1130).

Son nom lui vient du fait que sur environ 80 exemples qui ont pu être recensés par Jean Vergnet-Ruiz (1), dont certains s’éloignent quelque peu du modèle-type, 46 se trouvent dans l’Oise (certains ont disparu ou sont des copies) dont 33 dans l’ancien diocèse de Beauvais, où l’on trouve en outre les exemples les mieux caractérisés.

AULNAY-DE-SAINTONGE_Charente-Maritime_Corniche-romane
Aulnay-de-Saintonge (Charente-Maritime) : corniche de la chapelle sud (vers 1150).
CHATILLON-SUR-SEINE-Bandes-lombardes
Châtillon-sur-Seine (Côte d’Or) : lésènes (ou bandes lombardes) au bras sud du transept (première moitié 11ème siècle).

Ce décor n’est pas sans évoquer celui présent dans de nombreuses constructions des 10ème et 11ème siècles dans une vaste aire géographique s’étendant de la Lombardie à la Catalogne, en passant par les Alpes et la Bourgogne, et connu sous le nom de lésènes ou « bandes lombardes ». Mais ici les arcatures ne sont pas recoupées et ce motif sera largement repris pour constituer, avec les modillons, nombre de corniches romanes. De petits éléments sculptés viendront se nicher parfois dans l’arcature, pouvant donner l’illusion que celle-ci est recoupée. Mais, plus qu’une influence directe, il faut y voir diverses interprétations d’un motif finalement assez simple dans son principe.

Un point remarquable, en tous cas pour ce qui concerne l’Oise, est que la corniche beauvaisine est exclusivement associé au 12ème siècle. Les premiers exemples semblent être apparu conjointement à Saint-Lucien et à Saint-Etienne de Beauvais durant les deux premières décennies du 12ème siècle. A Saint-Lucien, la lithographie de Deroy d’après un dessin de Van den Bergue montre clairement cette corniche en partie haute du chœur comme à l’étage de la chapelle de la Vierge, dont on peut penser qu’elles étaient terminées en 1109.

A Saint-Etienne, la corniche apparaît au mur oriental du transept et se trouve également associée aux travées orientales des bas-côtés de la nef, à une date voisine de 1120 au plus tard. Existait-elle à une date antérieure, au chœur mis au jour lors des fouilles réalisées entre 1956 et 1959 ? Si son plan a pu être restitué avec une relative précision (et, notamment, l’existence, dès l’origine, de voûtes d’ogives), rien n’est connu, en revanche, sur son élévation.

La corniche beauvaisine est-elle pour autant née dans ces deux édifices ? Il convient de se poser légitimement la question si l’on considère deux exemples conservés dans la Normandie voisine. La tour sud de la cathédrale de Bayeux, terminée avant la fin du 11ème siècle, comporte en effet une corniche de ce type parfaitement formée. Elle ne saurait être associée à la construction de la flèche du 13ème siècle car, à une dizaine de kilomètres à l’est de Bayeux, le clocher de Vienne-en-Bessin comporte une corniche identique à celle de la tour sud de la cathédrale diocésaine et l’ensemble de l’église peut être daté à la charnière des 11ème et 12ème siècles. Dans ce cas précis, il est plus vraisemblable de penser que c’est la cathédrale, édifice autrement prestigieux qu’une simple église paroissiale, qui a servi de modèle.

Plusieurs édifices majeurs de la Normandie comportent une corniche beauvaisine – cathédrales d’Evreux, de Rouen, de Lisieux, abbatiale de Fécamp… – et, si tous ces exemples sont tardifs, du moins témoignent-ils du succès de ce décor en Normandie jusqu’à la fin du 12ème siècle, au moins.

Il est donc difficile de trancher et, faute d’éléments déterminants, on considérera que la corniche beauvaisine est née à la charnière des 11ème et 12ème siècles  dans une aire géographique qui englobe la Normandie et l’ouest de l’Oise.

Corniche beauvaisine de l'abside (2003)
Saint-Paul : corniche beauvaisine de l’abside (début 12ème siècle).

Pour ce qui concerne l’Oise, la corniche beauvaisine présente à l’abside de l’église paroissiale de Saint-Paul, près de Beauvais, pourrait bien être la plus ancienne conservée avec celle de la chapelle greffée au nord du choeur de l’église de Saint-Vaast-de-Longmont. Pour Saint-Paul, plus que sa réalisation maladroite, c’est son association avec un décor présent à la fenêtre axiale de l’abside, la seule d’origine conservée, qui plaide pour son ancienneté. Ce décor, que j’ai nommé faute de mieux « moulure à décor de pointes de diamant et dents de scie », est en effet présent sur une dizaine d’édifices de l’ancien diocèse de Beauvais (voir le texte qui lui est consacré dans « points d’intérêt ») qui, en raison de divers éléments concordants, doivent être datés des deux premières décades du 12ème siècle. A Saint-Vaast-de-Longmont, la corniche, très creuse, couronne une construction comportant une voûte en berceau plein cintre, suivie d’un cul-de-four. Les modillons qui lui sont associés comme les deux chapiteaux couronnant, à l’intérieur, les colonnettes marquant le passage de la travée droite à l’abside, restent dans l’esprit de la sculpture du dernier quart du 11ème siècle.

Il convient également de citer le cas du chœur de Francastel, où la corniche est peu saillante et bien formée mais associée à des contreforts très plats et à une fenêtre – celle du chevet – garnie de billettes. Ces deux éléments pourraient inciter à dater le chœur du début du 12ème siècle. Le voûtement d’ogives des deux travées de ce chœur n’est toutefois pas antérieur aux années 1140, une date cohérente avec celle que l’on peut assigner à la corniche.

Jean Vergnet-Ruiz a souligné que la corniche, d’abord assez accentuée au début, perdait de son relief au fur et à mesure que l’on se rapprochait de la fin du 12ème siècle. S’il est vrai que les clochers d’Angy, de Rousseloy, de Cauffry, de Mogneville, de Foulangues…,qui sont bien de la fin du 12ème siècle, montrent des corniches en très faible relief, il n’en est pas moins vrai que d’autres clochers à l’évidence plus anciens (Cambronne-les-Clermont, Cauvigny, Allonne…) possèdent des corniches au relief tout aussi peu accentué. A l’opposé, la corniche présente aux chapelles du transept de la première abbatiale d’Ourscamp, dans les années 1150, montre un relief extrêmement marqué.

Les parties supérieures du clocher vues du nord (2015)
Foulangues : corniche beauvaisine du clocher (fin 12ème siècle).

Si, d’une manière très générale, cette observation de Jean Vergnet-Ruiz n’est pas totalement fausse, on voit qu’elle souffre de nombreuses exceptions. Je renvoie toutefois à son article, qui a le mérite de passer en revue un grand nombre de corniches beauvaisines (ou apparentées) présentes en dehors de l’Oise.

Il convient toutefois de préciser que cet article souffre de quelques oublis (clocher d’Angy, transept de Saint-Etienne de Beauvais, nef et transept de Mogneville…), d’erreurs (il n’y a pas de corniche beauvaisine aux bas-côtés de Bury, au clocher d’Estrées-Saint-Denis, à celui de Tracy-le-Val ; pas davantage de nef au prieuré Saint-Aubin de Chambly ni de corniche beauvaisine au mur nord du prieuré Saint-Pierre de Rethondes mais à l’abside…) et que les datations proposées tendent trop à rajeunir certains édifices (clochers d’Allonne, de Cauvigny, de Nogent-sur-Oise, prieuré Saint-Jean-du-Vivier à Mouy…).

Dominique Vermand (2016)

(1) Jean VERGNET-RUIZ, « La corniche beauvaisine », Bulletin monumental, 1969-4, p. 307-322.

L'église vue du nord-est (2015)

Cambronne-les-Clermont

Paroissiale Saint-Etienne * * * *

Le choeur et le clocher vus du sud-est (2015)

Cauffry

Paroissiale Saint-Aubin * *

L'église vue du sud-ouest (2017)

Cauvigny

Paroissiale Saint-Martin * *

Le choeur vu du nord-ouest (2000)

Chambly

Prieuré Saint-Aubin *

Le transept et le choeur vus vers l'est (2006)

Chiry-Ourscamp

Abbaye Notre-Dame * * * *

L'église vue du sud-est (1997)

Choisy-au-Bac

Paroissiale Sainte-Trinité * *

L'église vue du nord-ouest (2000)

Compiègne

Prieuré Saint-Pierre des Minimes * *

Compiegne-St-C-Grav

Compiègne

Abbaye Saint-Corneille (église détruite) *

L'église vue du sud (2006)

Coudun

Paroissiale Saint-Hilaire et Notre-Dame * *

Creil-St-Ev-Ext-LP

Creil

Collégiale Saint-Evremond (église détruite) * * *